Les directions du mouvement ouvrier voyaient monter la menace de la guerre bien avant 1914

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Mots-clés : Directions syndicales, Directions politiques, Mouvement ouvrier, Première Guerre mondiale[ modifier ].

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« Chaque année qui s'écoulait et chaque nouvel événement politique qui s'est produit au cours de ces dernières années rapprochaient un peu plus l'échéance : la révolution turque, l'annexion de la Bosnie, la crise du Maroc, l'expédition de Tripoli, les deux guerres des Balkans. C'est dans la perspective de cette guerre que furent proposés tous les projets de loi de ces dernières années : on se préparait consciemment à l'inévitable conflagration générale. Cinq fois au cours de ces dernières années, il s'en est fallu d'un cheveu que la guerre n'ait éclaté : en été 1905, lorsque l'Allemagne fit connaître pour la première fois ses prétentions dans l'affaire du Maroc d'une manière péremptoire ; en été 1908, après la rencontre des monarques à Reval, lorsque l'Angleterre, la Russie et la France voulurent envoyer un ultimatum à la Turquie à cause de la question macédonienne, et que, pour défendre la Turquie, l'Allemagne était prête à se lancer dans une guerre qui ne fut empêchée que par l'éclatement soudain de la révolution turque1; au début de 1909, lorsque la Russie répondit à l'annexion de la Bosnie par une mobilisation, sur quoi l'Allemagne déclara en bonne forme qu'elle était prête à entrer en guerre aux côtés de l'Autriche ; en été 1911, lorsque le Panther fut envoyé à Agadir, ce qui aurait inévitablement provoqué le déclenchement de la guerre, si l'Allemagne n'avait pas renoncé à réclamer sa part du Maroc et ne s'était pas contentée du Congo. Et enfin, au début de l'année 1913, quand l'Allemagne, voyant que la Russie envisageait de pénétrer en Arménie, déclara pour la deuxième fois en bonne forme qu'elle était prête à faire la guerre. C'est ainsi que la guerre mondiale actuelle était dans l'air depuis huit ans. Si, à chaque fois, elle fut différée, c'est uniquement parce que l'une des parties impliquées n'avait pas encore terminé ses préparatifs militaires. »

Rosa Luxemburg, La crise de la social-démocratie, 1916.

« Par deux fois, au cours des sept années que dura la crise du Maroc, on frôla de justesse une guerre entre la France et l'Allemagne. Il ne s'agissait plus cette fois d'une « revanche » pour une quelconque rivalité continentale entre les deux États. Ici c'était un tout autre conflit qui prenait naissance, et qui provenait de ce que l'impérialisme allemand chassait sur les terres de l'impérialisme français. En définitive, au terme de cette crise, l'Allemagne accepta de se contenter du territoire congolais, et reconnut par là qu'elle ne possédait pas d'intérêts à défendre au Maroc. Mais c'est précisément pourquoi l'escarmouche allemande au Maroc avait une signification politique lourde de conséquences. Du fait que ses buts et ses revendications exactes restaient indéterminés, la politique de l'Allemagne au Maroc trahissait ses appétits illimités : on la voyait tâtonnant à la recherche d'une proie. Cette politique était généralement considérée comme une déclaration de guerre impérialiste à la France. L'opposition entre les deux États apparaissait là en pleine lumière. Là-bas, un développement industriel lent, une population stagnante, un État de rentiers qui investit de préférence à l'étranger et qui est encombré d'un grand empire colonial dont il ne parvient qu'à grand-peine à maintenir la cohésion ; de ce côté-ci, un capitalisme jeune et puissant qui s'installe au premier rang, qui court le monde pour y faire la chasse aux colonies. Il n'était pas question pour l'impérialisme allemand d'envisager la conquête des colonies anglaises. Dès lors, sa fringale dévorante ne pouvait se tourner, en dehors de la Turquie d'Asie que vers les possessions françaises. Ces possessions permettaient également de faire miroiter devant l'Italie la possibilité d'un dédommagement aux dépens de la France, au cas où elle se sentirait lésée par les appétits de conquête de l'Allemagne dans les Balkans - et de la retenir ainsi au sein de la Triple Alliance en l'associant à une entreprise commune. Il est clair que les prétentions de l'Allemagne sur le Maroc devaient inquiéter l'impérialisme français au plus haut point, si l'on songe qu'une fois établie en n'importe quel point du Maroc, l'Allemagne aurait eu à tout instant la possibilité de mettre le feu aux quatre coins de l'Empire français d'Afrique du Nord en procédant à des livraisons d'armes, car la population de cette région vivait dans un état de guerre chronique contre les conquérants français. Et si l'on aboutit à un compromis, si l'Allemagne consentit finalement à renoncer à ses prétentions, on n'avait fait qu'écarter le danger immédiat alors que persistaient l'inquiétude générale de la France et l'antagonisme politique qui avait été ainsi créé. »

Rosa Luxemburg, La crise de la social-démocratie, 1916.

RéférencesRéférences

Arguments pourJustifications

Arguments contreObjections