Lors de la prise de Petrograd, le gouvernement provisoire n'a pas trouvé de troupes prêtes à le défendre

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Débat parentCet argument est utilisé dans le débat Lénine est-il le précurseur de Staline ?.
Mots-clés : défense, gouvernement provisoire, insurrection, révolution d'Octobre[ modifier ].

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« « Alors, à Petrograd, il n’y a pas de troupes prêtes à défendre le gouvernement provisoire ? demandait avec stupéfaction Maliantovitch, qui avait vécu jusqu’à cette heure sous l’empire des éternelles vérités juridiques. – Je n’en sais rien. Kotovalov leva les bras au ciel. – Ça va mal, ajouta-t-il. – Et quelles sont les troupes qui viennent ? demandait insidieusement Maliantovitch ? – Il me semble, un bataillon de motocyclistes. » Les ministres soupiraient. À Petrograd et dans la banlieue on comptait environ deux cent mille soldats. Elles vont mal, les affaires du régime, si le chef du gouvernement est obligé de fuir à toute allure, à la rencontre d’un bataillon de motocyclistes, avec un fanion américain derrière le dos ! Les ministres auraient soupiré du fond du cœur s’ils avaient su que le 3° bataillon de motocyclistes, expédié du front, s’était arrêté de lui-même à la station Peredolskaïa et avait demandé par télégramme au Soviet de Petrograd dans quel but précisément on l’appelait. Le Comité militaire révolutionnaire expédia au bataillon ses salutations fraternelles et l’invita à envoyer immédiatement des représentants. Les autorités cherchaient mais ne trouvaient pas les motocyclistes dont les délégués étaient arrivés, le jour même, à Smolny. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« Les renforts n’arrivaient d’aucun côté. Les cosaques tenaient des séances, les représentants des régiments disaient que, somme toute, on pourrait bien marcher – pourquoi pas ? – mais que pour cela il faudrait des mitrailleuses, des autos blindées, et, surtout, de l’infanterie. Kerensky, sans hésitation, leur promit les autos blindées qui se préparaient à l’abandonner, et l’infanterie qu’il n’avait pas. En réponse, il lui fut dit que les régiments allaient bientôt discuter de toutes ces questions et « commenceraient à seller les chevaux ». Les forces de combat des socialistes-révolutionnaires ne donnaient pas signe de vie. Existaient-elles encore ? Où se trouve en général la limite entre le réel et le spectral ? Les officiers qui s’étaient réunis à l’État-major prenaient à l’égard du généralissime et chef du gouvernement une attitude de plus en plus provocante. Kerensky affirme même que, parmi les officiers, l’on parla de la nécessité de le mettre en état d’arrestation. L’immeuble de l’État-major n’était, comme auparavant, gardé par personne. Les pourparlers officiels étaient menés en présence de tierces personnes, et entremêlés de palabres véhémentes. Un sentiment de prostration et de décomposition s’infiltrait, venant de l’État-major, dans le palais d’Hiver. Les junkers s’énervaient, l’équipe des autos blindées s’agitait. D’en bas aucun appui, en haut les cerveaux sont détraqués. Dans ces conditions, peut-on échapper à sa perte ? »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« Kerensky réclamait du Grand Quartier Général de Mohilev et de l’État-major du front Nord installé à Pskov l’envoi immédiat de régiments fidèles. Du Grand Quartier Général, Doukhonine assurait par fil direct que toutes les mesures étaient prises pour faire marcher des troupes sur Petrograd et que certains contingents devraient déjà commencer à arriver. Mais les contingents n’arrivaient pas. Les cosaques en étaient encore à « seller leurs chevaux ». La situation dans la ville empirait d’heure en heure. Lorsque Kerensky et Konovalov revinrent au palais pour souffler un peu, une estafette apporta une nouvelle urgente ; les communications téléphoniques du palais étaient coupées. Le pont du palais, sous les fenêtres de Kerensky, était occupé par des piquets de matelots. La place, devant le palais d’Hiver, restait toujours déserte ; « de cosaques, point l’ombre ». Kerensky repart en hâte pour l’État-major. Mais, là aussi, les nouvelles ne sont pas réconfortantes. Les junkers ont reçu des bolcheviks l’ultimatum de quitter le palais et ils sont très agités. Les autos blindées ne sont plus en mesure de fonctionner, on y a découvert d’une façon bien intempestive « la perte » de pièces essentielles. Et l’on n’a pas encore de renseignements sur les échelons qui doivent venir du front. Les approches du palais et de l’État-major ne sont pas du tout gardées : si les bolcheviks, jusqu’à présent, n’ont pas fait irruption, c’est seulement parce qu’ils sont mal renseignés. L’édifice qui, dans la soirée, avait été comble d’officiers, se vidait rapidement : c’était un sauve-qui-peut. Survint une délégation de junkers : ils sont prêts à remplir leur devoir jusqu’au bout « si seulement l’espoir existe de recevoir des renforts ». Mais c’étaient justement les renforts qui manquaient. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« Les dirigeants de la défense, dès le matin, réclamaient des renforts de la place, en attendant ceux du front. Il y eut en ville quelques individus pour essayer de venir à l’aide. Le docteur Feit, membre du Comité central du parti socialiste-révolutionnaire, qui participa de très près à cette affaire, exposa, quelques années plus tard, au cours d’un procès, « l’étonnante, fulgurante modification de l’état d’esprit dans les contingents militaires ». Des sources les plus sûres, l’on affirmait que tel ou tel régiment était prêt à prendre la défense du gouvernement, mais il suffisait de s’adresser aux casernes directement, par téléphone, pour que tout effectif, l’un après l’autre, refusât carrément de marcher. « Le résultat vous est connu – disait le vieux populiste – personne n’a marché et le palais d’Hiver a été pris. » En réalité, il n’y avait rien eu de fulgurant dans les modifications de l’état d’esprit de la garnison. Mais ce qui subsistait d’illusions dans les partis gouvernementaux s’écroulait effectivement d’une façon foudroyante. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« Les autos blindées sur lesquelles on comptait particulièrement au palais d’Hiver et dans l’État-major s’étaient divisées en deux groupes : celui des bolcheviks et celui des pacifistes ; il ne s’en trouva pas une seule du côté du gouvernement. En route vers le palais d’Hiver, une demi-compagnie de junkers du génie, prise d’espoir et d’appréhension, tomba sur deux autos blindées : amis ou ennemis ? Il se trouva que ces dernières gardaient la neutralité et n’étaient sorties que dans le but de s’opposer à des collisions entre les adversaires. Sur six automobiles de combat qui se trouvaient au palais d’Hiver, une seule resta pour garder les biens et valeurs du palais ; les autres étaient parties. À mesure que s’affirmaient les succès de l’insurrection, le nombre des autos blindées bolchevistes s’accroissait, l’armée des neutres fondait : tel est, en général, le sort du pacifisme dans toute lutte sérieuse. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« Les deux cents ouraliens attendaient vainement l’arrivée des leurs. Savirikov, étroitement lié avec le soviet des troupes cosaques et même introduit par lui dans le préparlement, essayait, avec le concours du général Alexeïev, de faire marcher les cosaques. Mais les hauts dirigeants du soviet cosaque, d’après une juste remarque de Milioukov, « pouvaient aussi peu disposer des régiments cosaques que l’État-major ne disposait des troupes de la garnison ». Ayant discuté l’affaire à tous les points de vue, les régiments cosaques déclarèrent finalement que, sans infanterie, ils ne marcheraient pas, et offrirent au Comité militaire révolutionnaire leurs services pour la protection des biens publics. En même temps, le régiment de l’Oural décidait d’envoyer des délégués au palais d’Hiver pour rappeler à la caserne les deux sotnias qui s’y trouvaient. Cette proposition répondait pour le mieux aux dispositions d’esprit qui s’étaient définitivement dessinées chez les « vieux » de l’Oural. Tout alentour, ce ne sont que des éléments étrangers : des junkers parmi lesquels sont assez nombreux les juifs, des officiers invalides, et ajoutez encore les femmes du bataillon de choc. La face mauvaise, sourcils froncés, les cosaques ramassaient leurs musettes. Les admonestations n’avaient plus d’effet. Qui restait pour défendre Kerensky ? « Des juifs et des babas… mais le peuple russe, lui, était resté avec Lénine. » Il se trouva que les cosaques avaient des intelligences avec les assiégeants, et ceux-ci leur ouvrirent un libre passage par une issue que la défense ignorait jusque-là. Vers neuf heures du soir, les ouraliens quittèrent le palais d’Hiver. Ils consentirent seulement à abandonner leurs mitrailleuses aux défenseurs d’une cause perdue. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« « Il est clair maintenant que les assaillants sont faibles. » Peut-être, si l’on tient une heure de plus, les renforts arriveront-ils tout de même ? Kichkine appela par téléphone, en pleine nuit, le secrétaire d’État au ministère des Finances, Khrouchtchev, cadet lui aussi, et le pria de communiquer aux dirigeants du parti que le gouvernement avait besoin au moins d’une petite aide pour tenir jusqu’à la matinée, jusqu’aux heures où devait enfin arriver Kerensky avec des troupes. « Qu’est-ce que ce parti – s’exclamait Kichkine indigné – qui ne peut envoyer au moins trois cents hommes armés ! » En effet : qu’est-ce que ce parti ? Les cadets qui avaient réuni à Petrograd, aux élections, des dizaines de milliers de suffrages, ne pouvaient pas, au moment du péril de mort qui menaçait le régime bourgeois, mettre en avant trois centaines de combattants. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« Dans l’après-midi arrive un bataillon de junkers du génie qui a trouvé moyen de perdre la moitié d’une compagnie en cours de route. Le tableau qui se présentait sur place ne pouvait nullement relever la combativité des junkers, laquelle, d’après le témoignage de Stankevitch, était insuffisante dès auparavant. Dans le palais l’on constata la pénurie de l’approvisionnement : l’on ne s’était point préoccupé de cette question en temps utile. Un camion chargé de pain se trouva intercepté par les patrouilles du Comité. Une partie des junkers montaient la garde, les autres se morfondaient dans l’inactivité. L’incertitude, la faim… aucune direction ne se faisait sentir. Sur la place, devant le palais et du côté du quai, apparurent de petits groupes de passants, d’apparence pacifique, qui, tout en allant leur chemin, arrachaient aux sentinelles leurs fusils sous la menace du revolver. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

RéférencesRéférences

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