Présenter l'insurrection sous forme de la défense de Petrograd face à la contre-révolution était un camouflage légal parlant pour les masses

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Débat parentCet argument est utilisé dans le débat Lénine est-il le précurseur de Staline ?.
Mots-clés : insurrection, défense, Petrograd, camouflage, conscience, masses[ modifier ].

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« La partie qui prend l’offensive a presque toujours intérêt à se présenter comme étant sur la défensive. Un parti révolutionnaire est intéressé à un camouflage légal. Le Congrès imminent des soviets, de fait un congrès d’insurrection, était en même temps le détenteur, aux yeux des masses populaires, sinon de toute la souveraineté, du moins d’une bonne moitié de celle-ci. Il s’agissait du soulèvement d’un des éléments du double pouvoir contre l’autre. En en appelant au Congrès comme à la source du pouvoir, le Comité militaire révolutionnaire accusait d’avance le gouvernement de préparer un attentat contre les Soviets. Cette accusation dérivait de la situation même. Dans la mesure où le gouvernement n’avait pas l’intention de capituler sans combat, il ne pouvait se dispenser de préparatifs pour sa propre défense. Mais, par là même, il était sujet à l’accusation d’avoir comploté contre l’organe suprême des ouvriers, des soldats et des paysans. Dans la lutte contre le Congrès des soviets qui devait renverser Kerensky, le gouvernement portait la main sur la source même du pouvoir d’où était sorti Kerensky. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« Ce serait une erreur grossière de ne voir là que des subtilités juridiques, indifférentes au peuple : au contraire, c’est précisément sous cet aspect que les faits essentiels de la révolution se reflétaient dans la conscience des masses. Il fallait utiliser jusqu’au bout cet enchaînement exceptionnellement avantageux. En donnant au désir tout naturel des soldats de ne pas quitter les casernes pour les tranchées un grand sens politique et en mobilisant la garnison pour la défense du Congrès des soviets, la direction révolutionnaire ne se liait aucunement les mains à l’égard de la date de l’insurrection. Le choix du jour et de l’heure dépendait de la marche ultérieure du conflit. La liberté de manœuvre était du côté du plus fort. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« La tentative d’interdire les journaux, la dérision de traduire en justice le Comité militaire révolutionnaire, l’ordre de congédier les commissaires, l’interruption des communications téléphoniques de Smolny – ces piqûres d’épingle sont suffisantes pour que l’on accuse le gouvernement de préparer un coup d’État contre-révolutionnaire. Bien que l’insurrection ne puisse vaincre que sous forme d’offensive, elle se développe avec d’autant plus de succès qu’elle ressemble davantage à une défensive. Un peu de cire à cacheter du gouvernement sur la porte de la rédaction bolcheviste – comme mesure de guerre, ce n’est pas grand-chose. Mais quel excellent signal pour la bataille ! Un téléphonogramme à tous les rayons et aux effectifs de la garnison fait connaître ce qui s’est passé. « Les ennemis du peuple ont pris l’offensive pendant la nuit… Le Comité militaire révolutionnaire dirige la résistance contre l’attaque des conspirateurs. » Les conspirateurs, ce sont les organes du pouvoir officiel. Sous la plume des conspirateurs révolutionnaires, cette définition a une résonance inattendue. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« Jusqu’à présent, la politique du Comité militaire révolutionnaire n’a pas dépassé les cadres de la défensive. Bien entendu, il faut comprendre cette défensive d’une façon assez large. Que la presse bolcheviste ait l’assurance de paraître avec l’aide de forces années, ou bien que l’Aurore puisse rester sur la Neva – « Est-ce là de la défensive, camarades ? C’est de la défensive ! » Si le gouvernement a projeté de nous arrêter, cette fois-ci, des mitrailleuses sont installées sur le toit de Smolny. « C’est aussi une défensive, camarades ! » Et quoi faire alors du gouvernement provisoire ? dit un des billets envoyés à l’orateur. Si Kerensky essayait de ne pas se soumettre au Congrès des soviets – répond le rapporteur – la résistance du gouvernement créerait « une question de police et non de politique ». Il en fut presque ainsi au fond. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« En créant une commission pour élaborer les statuts du « Comité de défense », le Comité exécutif de Petrograd fixa au futur organe militaire les tâches suivantes : se mettre en liaison avec le front Nord et avec l’État-major de l’arrondissement de Petrograd, avec l’organisation centrale de la Baltique (Tsentrobalt) et le soviet régional de Finlande pour élucider la situation de guerre et prendre les mesures indispensables ; procéder au recensement du personnel de la garnison de Petrograd et de ses environs, ainsi qu’à l’inventaire des munitions et de l’approvisionnement ; prendre des mesures pour maintenir la discipline dans les masses des soldats et des ouvriers. Les formules étaient très générales et, en même temps, équivoques : elles étaient presque toutes sur la limite entre la défense de la capitale et l’insurrection armée. Cependant, ces deux problèmes, qui s’excluaient jusqu’alors l’un l’autre, se rapprochaient maintenant en fait : ayant pris en main le pouvoir, le soviet devra se charger aussi de la défense militaire de Petrograd. L’élément du camouflage de la défense n’était point introduit par force du dehors, mais procédait jusqu’à un certain degré des conditions d’une veille d’insurrection. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« Le rapport d’Antonov donne à la lecture cette impression que l’État-major de l’insurrection aurait travaillé toutes portes ouvertes. Effectivement : Smolny n’a déjà presque plus rien à cacher. La conjoncture politique de l’insurrection est si favorable que la franchise même devient une sorte de camouflage : est-ce ainsi que l’on fait un soulèvement ? Le mot « soulèvement », cependant, n’est prononcé par aucun des dirigeants. Non seulement par forme de prudence, mais parce que le terme ne correspond point à la situation réelle : on dirait que c’est au gouvernement de Kérensky de se soulever. Dans un compte rendu des Izvestia il est dit, il est vrai, que Trotsky, à la séance du 23, avait pour la première fois reconnu ouvertement, comme but du Comité militaire révolutionnaire, la prise du pouvoir. Sans aucun doute, du point de départ où l’on déclarait comme tâche du Comité la vérification des arguments stratégiques de Tchérémissov, tous s’étaient déjà fort éloignés. L’évacuation des régiments était déjà presque oubliée. Mais, le 23, il s’agissait, tout de même, non du soulèvement, mais de la « défense » du prochain Congrès des soviets, au besoin avec les armes à la main. C’est précisément dans cet esprit que fut formulée la résolution sur le rapport d’Antonov. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« L’Aurore ancrée sur la Neva n’était pas seulement une excellente unité de combat au service de l’insurrection, mais c’était une station d’émission de radio toute prête. Avantage inappréciable. Le matelot Kourkov dit dans ses souvenirs : « Trotsky nous a fait savoir qu’il fallait transmettre par radio… que la contre-révolution avait pris l’offensive. » Les termes de défensive, ici encore, marquaient un appel à l’offensive, adressé cette fois-ci à tout le pays. Aux garnisons qui défendent les approches de Petrograd, il est prescrit, par la radio de l’Aurore, d’arrêter le mouvement des échelons contre-révolutionnaires et, dans le cas où les exhortations ne suffiraient pas, d’employer la force. À toutes les organisations révolutionnaires est imposée l’obligation de « siéger en permanence, en collectant tous les renseignements sur les plans et les actes des conspirateurs ». Les manifestes ne manquaient pas, comme on voit, du côté même du Comité militaire révolutionnaire. Mais, chez lui, la parole ne se différenciait pas des actes, elles les commentaient seulement. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

« Le 12 [octobre], le Comité exécutif examina les dispositions élaborées par la commission de Lasimir. Malgré le huis clos, les débats auront, dans une forte mesure, un caractère équivoque : « On disait une chose et l’on en entendait une autre », écrit non sans raison Soukhanov. Les dispositions prises prévoyaient auprès du Comité des sections de la défense, du ravitaillement, de la liaison, de l’information, etc. : c’était un état-major ou bien un contre-état-major. Le but affirmé de la Conférence était de relever les capacités combatives de la garnison. Il n’y avait là rien de faux. Mais la capacité combative pouvait être appliquée diversement. Les mencheviks, avec une indignation impuissante, constataient que l’idée lancée par eux dans des buts patriotiques, se transformait en un camouflage de l’insurrection qui se préparait. La dissimulation était rien moins qu’impénétrable : tout le monde comprenait de quoi il s’agissait ; mais, en même temps, elle restait insurmontable : c’était exactement ainsi, en effet, qu’avaient agi auparavant les conciliateurs eux-mêmes, groupant autour d’eux, dans les moments critiques, la garnison et créant des organes de pouvoir parallèles aux organes gouvernementaux. Les bolcheviks semblaient continuer seulement les traditions de la dualité de pouvoirs. Mais, dans les vieux moules, ils versaient un nouveau contenu. Ce qui avait servi auparavant à la conciliation menait maintenant à la guerre civile. Les mencheviks exigèrent qu’on inscrivît au procès-verbal qu’ils s’opposaient à l’entreprise dans son ensemble. On tint compte de cette demande platonique. »

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, tome 2, 1930.

RéférencesRéférences

Arguments pourJustifications

Arguments contreObjections

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