Lénine a expulsé les intellectuels dès 1922

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Débat parentCet argument est utilisé dans le débat Lénine est-il le précurseur de Staline ?.
Argument pourCet argument est une justification de Lénine a fiché et expulsé les intellectuels.
Mots-clés : Léninisme, Révolution russe, URSS, Terreur, Bolchévisme, Totalitarisme, Intellectuels, Expulsions[ modifier ].

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« Dès le 22 mai [1922], le Bureau politique mit sur pied une Commission spéciale, comprenant notamment Kamenev, Kourskii, Unschlicht, Mantsev (deux adjoints directs de Dzerjinski), chargée de ficher un certain nombre d’intellectuels pour arrestation, puis expulsion. Les premiers à être expulsés, en juin 1922, furent les deux principaux dirigeants de l'ex-Comité social de lutte contre la famine, Serge Prokopovitch et Ekaterina Kouskova. Un premier groupe de cent soixante intellectuels renommés, philosophes, écrivains, historiens, professeurs d’université, arrêtés les 16 et 17 août, fut expulsé par bateau en septembre. Y figuraient notamment quelques noms qui avaient déjà acquis ou devaient acquérir une renommée internationale : Nikolaï Berdiaev, Serge Boulgakov, Semion Frank, Nikolaï Losski, Lev Karsavine, Fedor Stepoun, Serge Troubetskoï, Alexandre Izgoïev, Ivan Lapchine, Mikhaïl Ossorguine, Alexandre Kiesewetter … Chacun dut signer un document stipulant qu’en cas de retour en URSS il serait immédiatement fusillé. L’expulsé était autorisé à emporter un manteau d’hiver et un manteau d’été, un costume et du linge de corps de rechange, deux chemises de jour et deux de nuit, deux caleçons, deux paires de chaussettes ! Outre ces effets personnels, chaque expulsé avait le droit d’emporter vingt dollars en devises. »

Nicolas Werth, Le livre noir du communisme, Robert Laffont, Paris, 1997.

« Depuis le début 1922, Lénine était entré en guerre contre l’intelligentsia, faisant fermer revues, journaux et départements universitaires. Mais c’est le 19 mai qu’il demanda à Dzerjinski de préparer « la déportation à l’étranger des écrivains et des professeurs qui aident la contre-révolution ». Une commission spéciale du Bureau politique fut formée à cet effet et, pour que les choses se fassent « dans la légalité », Lénine mit en chantier un nouveau Code pénal et ajouta à l’article 57 une clause de « clémence » : l’expulsion administrative – sans jugement – à l’étranger. Le 25 mai, Lénine eut sa première attaque cérébrale ; mais à peine remis, sa préoccupation fut de demander à Staline, secrétaire général du parti communiste, des comptes sur les intellectuels à expulser ; indiquant que la Tcheka devait « dresser des listes », il ajoutait : « plusieurs centaines de ces gentlemen doivent être expulsés dehors sans pitié. Nous allons nettoyer la Russie une fois pour toutes. […] Ils doivent tous être virés de Russie » ; et il n’hésitait pas à dénoncer nommément ses futures victimes. Il inaugurait ainsi la pratique des quotas de répression établis à l’avance, dont Staline allait faire un si large usage lors de la Grande Terreur. Lénine ordonna que la Tcheka fabriquât un dossier d’accusation pour chacun des futurs expulsés, ce qui n’était pas facile tant on ne pouvait leur reprocher que leurs idées. Le 10 août 1922 fut rendu public le nouvel article 57 qui autorisait les expulsions administratives. Comme l’avait déclaré Lénine en mars : « Dans la sphère économique, la retraite continue, dans le domaine politique, l’assaut continue ». Déjà le 6 juin, il avait créé le Glavlit, organe, durant des décennies, de la censure de toutes les publications et de contrôle de la pensée. Et comme le 15 septembre 1922 Gorki, depuis son exil, lui avait écrit pour le mettre en garde contre ces expulsions, Lénine lui répondit avec son élégance coutumière : « […] les intellectuels, les laquais du capital, pensent qu’ils sont le cerveau de la nation. En réalité, ils n’en sont pas le cerveau, ils en sont la merde ». »

Stéphane Courtois, « Lénine et la destruction de l’intelligentsia russe », Communisme et totalitarisme, Perrin, Paris, 2009.

RéférencesRéférences

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