L'Europe occidentale est-elle en déclin ?

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POUR
Argument pourUn déclin économique
Argument pourUn déclin géopolitique
Argument pourUn déclin politique
Argument pourUne baisse globale de la qualité de la vie
Argument pourUn déclin démographique et un choc migratoire
Argument pourL'idéologie multiculturaliste détruit la cohésion des nations européennes
Argument pourLe communautarisme, terreau du séparatisme
Argument pourLe spectre d'une guerre civile
Argument pourUn déclin culturel
Argument pourUn déclin moral
Argument pourUn sentiment de vide et un désir de mort
Argument pourUn recul des droits humains
Argument pourUne multiplication des crises
CONTRE
Argument contreL'Europe est un attracteur
Argument contreUn lieu de concentration des richesses
Argument contreUne puissance politique mondiale
Argument contreUne zone de progrès scientifique et moral
Argument contreUne société de plus en plus éthique et écologique
Argument contreUne société multiculturelle épanouissante
Argument contreL'Europe peut connaître des révolutions pacifiques qui la sauveront
Argument contreLe déclinisme est un prisme idéologique erroné
Argument contreLes scénarios possibles pour l'avenir de l'Europe
Mots-clés : déclinisme, Crise, Occident, Europe[ modifier ].

Pour comprendre le débatPour comprendre le débat

IntroductionUne question : l'effondrement de l'Europe occidentale

"Michel Onfray : La vérité cruelle est que notre civilisation s'effondre. Elle a duré 1 500 ans. C'est déjà beaucoup. Face à cela, je me trouve dans une perspective spinoziste : ni rire ni pleurer, mais comprendre. On ne peut pas arrêter la chute d'une falaise. François-Xavier Bellamy. – Je partage avec vous l'impression de voir une civilisation s'effondrer, et le sentiment que personne n'en a encore vraiment pris la mesure ; mais la sagesse ne peut pas être qu'un consentement résigné à ce qui advient! Nous pouvons encore décider, dans nos vies personnelles comme dans nos choix collectifs, de recevoir et de transmettre ce qui dans notre culture demeure fécond, et plus actuel que les faux progrès qu'on nous vend. Malheureusement, de ce point de vue, le débat politique et intellectuel oppose plutôt des liquidateurs de faillite que des décideurs capables de tracer des perspectives."

IntroductionUn regain du sujet

Depuis quelques années, le thème du "déclin" est devenu à la mode sous l'impulsion d'un certain nombres d'auteurs appelés "déclinistes", qui s'expriment dans toute l'Europe. Ceux-ci prédisent une agonie de l'Europe occidentale, atteinte de mille symptômes qu'ils se plaisent à énumérer. L'Europe, vieillissante et déprimée, anomique du point de vue économique, aux mains de dirigeants incapables de vision et attachés à une pure gestion comptable, irait vers les abîmes. Elle croirait que l'histoire tragique est finie et ne se préparerait pas à affronter le retour des crises géopolitiques ni des conflits "civilisationnels" qui s'avancent…

Ce discours est souvent l'apanage d'auteurs classés à droite ou dans le camp réactionnaire. Ceux-ci seraient des nostalgiques de la France de jadis, ils nieraient le progrès, auraient peur des avancées sociétales et du métissage, vivraient dans des souvenirs d'un passé mythifié. Leur discours préparerait les esprits aux replis identitaires, voire ferait le jeu des populistes.

Par refus de ces conséquences politiques prévisibles, un certain nombre d'intellectuels et de journalistes récusent à priori ce "déclinisme", renvoyé à une forme de peur psychologique. Ils rejettent ce qui leur apparaît plus comme une réaction affective que le fruit d'une analyse objective et fondée sur les données sociales. Les "déclinistes" sont souvent des essayistes à dominante littéraire voire des romanciers (Houellebecq), méfiants vis-à-vis des sciences sociales.

Le "déclinisme" est bien une idéologie très présente aujourd'hui. Est-elle fondée ? Cette notion de "déclin" correspond-elle à une réalité ?

Cette question revient à esquisser une philosophie de l'histoire au présent : où vont nos sociétés ? Derrière les excès, les outrances ou les aspects non scientifiques, les "déclinistes" ne reposent-ils pas la question du sens de notre "vivre-ensemble" et du vide de grands projets collectifs ? Ne s'agit-il pas de penser le présent, en voyant au-delà des questions purement économiques, pour oser affronter les aspects existentiels de notre malaise collectif ?

IntroductionUn débat qui a une longue histoire

La question du "déclin" de l'Occident a une longue histoire. Déjà après la Première Guerre mondiale, quelques auteurs ont considéré que le progrès était une forme d'illusion, et que la société européenne voyait les prémisses de sa fin. Mais c'est à partir de la Seconde Guerre que le diagnostic est apparu comme une évidence ; l'école de Francfort a vu la montée simultanée du communisme d'Etat soviétique et des fascismes, sans oublier la déshumanisation des sociétés libérales. C'est sur le constat de ces échecs multiples, dans une analyse lucide de cet effondrement des idéaux du monde occidental, qu'elle a élaborée sa réflexion.

Plus tard, les précurseurs de l'écologie sont aussi partis du constat des échecs des sociétés industrielles et productivistes, qu'elles s'inspirent d'un modèle libéral, social-libéral ou communiste. Pour eux le productivisme était l'erreur fondamentale commune à toutes ces sociétés.

Plus radical, Heidegger et les courants qui s'en inspirent voient la cause déterminante de cette folie déshumanisante du monde occidental dans ses prémisses ; pour eux, c'est l'usage de la raison comme outil de domination sur le monde, devenue raison instrumentale, qui a causé en cascade la série des catastrophes. Dès ses prémisses, la philosophie masquait un désir de domination qui a accouché de la technique et a voulu "arraisonner" le monde, tant humain que naturel. Il y a une logique qui se poursuivrait, menant de Platon aux Lumières et des Lumières à Hitler, disent alors les plus radicaux, critiques de la civilisation occidentale.

On voit par ces brefs rappels que la question du "déclin de l'Occident" a une longue histoire, et que les "déclinistes" ne sont pas forcément des réactionnaires – il peut aussi s'agir de révolutionnaires qui récusent la voie empruntée par notre société, voire des utopistes qui rêvent à une autre civilisation.

Néanmoins nous ne pourrons pas traiter toutes ces approches, pour resserrer le débat sur les courants d'idées contemporains, qui s'affrontent autour de ces questions.

Nous laisserons en bibliographie les références d'auteurs "classiques" sur le sujet du déclin pour permettre d'élargir la perspective.

IntroductionLes familles d'acteurs

Aujourd'hui, les thèmes du "déclin", qu'ils soient justifiés ou non, sont au cœur du débat. En ce sens, les "déclinistes" ont remporté une victoire idéologique et ont relégué les conceptions plus optimistes, tournées vers l'avenir et le progrès, à l'arrière-plan. On peut croire que les théories "déclinistes" sont exagérées, voire traverses de fantasmes et motivées plus par l'émotion que par la raison ; on ne peut pas les ignorer.

Le débat porte principalement sur trois aspects.

  • Pour les souverainistes et les antimondialistes, le déclin vient principalement de "la mondialisation" : les pays européens sont soumis au joug de puissances financières et politiques "mondialistes" qui imposent des normes juridiques et économiques au désavantage des peuples, et au bénéfice des grands groupes financiers (ou des Etats-Unis) ;
  • Pour les populistes et les droites radicales, le déclin vient principalement de l'immigration, de la perte de "cohésion nationale", du multiculturalisme, voire de "l'islamisation" ;
  • Pour les anti-américainistes et porteurs du « modèle européen » (faute de meilleure appellation), le déclin vient de l'américanisation, qui est souvent culturelle (langue, séries, musiques…) mais bien plus profonde, et affecte les mœurs, l'économie et l'ensemble des modes de vie et du rapport au monde des Européens.

Ces trois positions se recoupent parfois mais peuvent aussi s'opposer. Ainsi certains courants de gauche peuvent dénoncer la mondialisation mais considérer comme des fantasmes les discours sur "l'islamisation", et comme du racisme le rejet de l'immigration ; de même, certains partisans du libéralisme et du mondialisme peuvent rejoindre les populistes sur des thématiques conservatrices, constituant un courant "libéral-conservateur", alors que d'autres libéraux, au nom de la liberté de circulation et de l'économie ouverte, rejoignent la gauche sur l'immigration dans la volonté d'ouverture des frontières. Politiquement, ces ambiguïtés ne se retrouvent pas, puisqu'on a clairement à gauche un camp anti-mondialisation (économique, voire parfois culturelle), et à droite un camp anti-immigration – à tel point qu'un récent sondage considère que le marqueur le plus accentué gauche/droite est bien cette question de l'immigration.

Le débat sur le déclin et ses différentes facettes se retrouve dans toute l'Europe, notamment au travers de livres-chocs : en France, le succès d'Éric Zemmour avec Le suicide français (500 000 exemplaires), en Allemagne, le livre de Thilo Sarrazin, L'Allemagne disparaît (les 25 000 exemplaires de la première édition ont été vendus le jour même de sa sortie), au Royaume-Uni, le livre La mort de l'Europe, évoquent tous une thématique commune. Le clivage entre déclinistes, conservateurs, critiques ou ennemis du multiculturalisme, et progressistes, adeptes de l'ouverture à l'Autre et des avancées sociétales, structure en partie les débats de société.

On peut considérer que cette opposition forme un des clivages essentiels, clivage qui ne se recoupe pas toujours avec des forces politiques identifiées – même si, on l'a vu, un réel recoupement avec le clivage "gauche/droite" pourrait se lire au travers du thème de l'immigration, clivage ne rendant pas compte de tous les aspects du débat. Pour certains auteurs, il s'agit fondamentalement de la défense des Lumières – qui se trouve "polluée" par des thèmes nationalistes et xénophobes.

"L'esprit critique, l'affirmation de l'autonomie individuelle, le rejet des formes d'autorité refusant tout lien contractuel […] sont autant d'idées qui furent certes formulées en Occident mis qui ne sont pourtant liées de façon essentielle à aucune ethnie, aucune couleur de peau ni aucune religion. Le projet des Lumières n'est pas le seul fait de penseurs occidentaux, d'autres y ont collaboré, et ses principes ne sont pas considérés comme pertinents – ou du moins attirants – uniquement en Europe et en Amérique du Nord. Sauf que, soumise au politiquement correct et trop occupée à continuer de se flageller pour les péchés du passé, une grande partie de la gauche européenne et américaine ne défend plus avec constance et fierté les piliers des Lumières. La défense de notre culture se retrouve donc pour ainsi dire externalisée, laissée à la droite. […] Les effets sont dévastateurs parce que, au lieu de mettre en avant les fondamentaux des Lumières, la droite insiste sur les caractéristiques et les intérêts nationaux et, de ce fait, mise exactement sur la tactique qui, dans la première moitié du XXeme siècle, a plongé l'Europe dans l'enfer et la barbarie." (C. Strenger, Le mépris civilisé, Belfond 2016, p. 26)

Un auteur comme Carlo Strenger appelle donc la gauche à se ressaisir et à ne plus "externaliser" la défense des valeurs des Lumières à la droite. Il tente de re-positionner le discours sur "le déclin" en un débat plus légitime sur les principes fondateurs de nos sociétés.

Le débat autour du "déclin" est difficile à mettre en oeuvre sereinement, car les principaux camps (pro et anti mondialisation, pro et anti-immigration) s'accusent mutuellement et font surtout porter la discussion sur le terrain moral. Ainsi, rejeter l'immigration est se montrer raciste, ou au contraire vouloir l'ouverture des frontières, serait être "bisounours" et ne pas voir la réalité. Au lieu de poser à plat les arguments et de se situer le plus possible sur le plan de la raison, on attise les passions et les positions deviennent parfois caricaturales ou extrémistes. Le plus inquiétant dans cette configuration est que certains acteurs ne veulent plus débattre, car ils considèrent leurs adversaires comme des "ennemis" à détruire, et dont les arguments n'ont même pas à être envisagés. Le climat redevient quelque peu similaire à celui qui prévalait aux heures les plus idéologiques de la société, quand pro et anti-communistes s'affrontaient et s'invectivaient. Nous voudrions poser les bases d'un débat qui ne soit pas caricatural, où tous les arguments puissent être examinés, même s'ils choquent ou semblent fantasmatiques. Lutter contre les illusions est à ce prix.

Arguments pourArguments « pour »

Quels sont les arguments pour l'idée du déclin de l'Occident ?
  • Argument pourUn déclin économique
  • Argument pourUn déclin géopolitique
  • Argument pourUn déclin politique
  • Argument pourUne baisse globale de la qualité de la vie
  • Argument pourUn déclin démographique et un choc migratoire
  • Argument pourL'idéologie multiculturaliste détruit la cohésion des nations européennes
  • Argument pourLe communautarisme, terreau du séparatisme
  • Argument pourLe spectre d'une guerre civile
  • Argument pourUn déclin culturel
  • Argument pourUn déclin moral
  • Argument pourUn sentiment de vide et un désir de mort
  • Argument pourUn recul des droits humains
  • Argument pourUne multiplication des crises

Arguments contreArguments « contre »

Quels sont les arguments contre l'idée du déclin de l'Occident ?
  • Argument contreL'Europe est un attracteur
  • Argument contreUn lieu de concentration des richesses
  • Argument contreUne puissance politique mondiale
  • Argument contreUne zone de progrès scientifique et moral
  • Argument contreUne société de plus en plus éthique et écologique
  • Argument contreUne société multiculturelle épanouissante
  • Argument contreL'Europe peut connaître des révolutions pacifiques qui la sauveront
  • Argument contreLe déclinisme est un prisme idéologique erroné
  • Argument contreLes scénarios possibles pour l'avenir de l'Europe

Pour aller plus loinPour aller plus loin

BibliographieBibliographie

  • Michel Onfray, Décadence.
  • Éric Zemmour, Le suicide français.
  • Alain Finkielkraut, L'identité malheureuse.
  • Samuel Huntington, Le Choc des civilisations, Odile Jacob.
  • Ivan Rioufol, La guerre civile qui vient.
  • Emmanuel-Juste Duits, Didier Barbier, La Logique de la Bête, Editions de l'éclat.
  • Oswald Spengler, Le déclin de l'Occident.
  • Dany-Robert Dufour, La situation désespérée me remplit d'esoir (Face à trois délires mortifères, l'hypothèse convivialiste), Le Bord de l'eau.
  • Raphaël Liogier, La guerre des civilisations n'aura pas lieu.
  • Ulrich Beck, Le cosmopolitisme.
  • Edgar Morin, Pour entrer dans le XXIe siècle, Le Seuil.
  • Emmanuel-Juste Duits, Mode d'emploi de la civilisation planétaire, Chronique sociale.
  • Francis Fukuyama, La fin de l'Histoire.
  • Johan Norberg, Non, ce n’était pas mieux avant, Plon, Mai 2017.
  • Dany-Robert Dufour, La Cité perverse, Folio.
  • Gilles Lipovetsky, L'ère du vide, Folio.
  • Jean-François Mattéi, Le procès de l'Europe, PUF.
  • Alain Finkielkraut, La Défaite de la pensée, Folio.
  • Carlo Strenger, Le Mépris civilisé, Pocket.
  • Emmanuel-Juste Duits, Après le relativisme, Le Cerf.
  • Charles Rojzman, Vers les guerres civiles, Lemieux.
  • Hugues Lagrange, Le déni des cultures.
  • Alvin Toffler, Le Choc du futur, Folio.
  • Max Horkheimer, Eclipse de la raison, Payot.
  • Marcel Gauchet, Le Désenchantement du monde.

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